La courtepointe moderne et durable

 Même si la courtepointe n’est pas une invention proprement dite québécoise, elle est bien ancrée dans nos traditions. Grâce à un savoir-faire précieux qui s’est transmis entre les générations, elle est encore présente dans nos familles aujourd’hui. Objet intemporel, elle connait un renouveau grâce à des artisans qui lui lient leurs créativités. Marilyn Armand, propriétaire de l’entreprise Le point visible, remet cette technique au goût du jour grâce à ses créations modernes. À son tour, elle contribue à la sauvegarde du patrimoine québécois.

Le point Visible Bedford Canton-de-l'Est

Le point visible :
Réinventer la courtepointe

Marilyn Armand connaît un succès indéniable avec la confection de ses courtepointes. Son style bien à elle est caractérisé par un minimaliste coloré, inspiré des paysages qui l’entourent et de la musique qui anime ses séances de couture. Située à Bedford, son entreprise Le point visible illustre parfaitement la rencontre harmonieuse de la tradition et du moderne.

Portrait de Marilyn Armand

Marilyn Armand est « tombée dedans quand elle était petite » ! Élevée par sa grand-mère et ses tantes couturières de métier, elle s’est fait transmettre un savoir-faire artisanal dès son jeune âge, qui deviendra une histoire passionnelle. La couture, la broderie, le tissage, le tricot…sa famille tenait occupée la petite fille bien énergique qu’elle était. À 6 ans, Marilyn savait coudre. Les couleurs et les textiles l’animaient.

Son parcours l’a pourtant menée vers d’autres horizons. Celle-ci a obtenu une maîtrise en relation internationale puis a travaillé plus de 6 ans dans la gestion d’entreprise à Montréal. En 2016, son copain et elle ont décidé de venir habiter les Cantons-de-l’Est, poussés par le désir de vivre d’autres expériences. Peu de temps après leur arrivée, épris d’un amour fort pour la campagne, le couple a acheté une maison à Dunham. Marilyn s’est remise aux arts du textile, pensant retrouver un simple passe-temps qui lui manquait. Elle s’est inscrite aux Cercles de Fermières à Cowansville où elle y a rencontré France Verrier, son atome crochu de la courtepointe. Sa complicité avec France a eu pour effet d’éveiller ses premiers amours, laissant ainsi place à tout le potentiel créatif de la courtepointe. Elle, qui a toujours adoré travailler de ses mains, a cru à une passion qui rallie ses valeurs pour l’environnement et son désir de créer et de s’accomplir.

Trousse Le point visible à Bedford

Femmes importantes

Marilyn a côtoyé des femmes très importantes dans sa vie, qui lui ont non seulement transmis des connaissances, mais également des valeurs et des forces. Bien que sa grand-mère puisse venir d’une autre époque, elle lui a toujours enseigné à être autonome et à ne pas s’arrêter à un domaine dans lequel elle est juste à l’aise. Pas question de compter sur un homme pour faire de la plomberie ou pour décaper un meuble. Ce sont des enseignements qui lui valent aujourd’hui sa grande débrouillardise et son autonomie. Cet héritage, elle veut également le partager pour faire progresser la cause des femmes. 

France Verrier a aussi été très importante dans son parcours. Pour elle, faire ce que tu aimes dans la vie est inestimable. D’ailleurs, aucune minute n’est comptée quand Marilyn s’assoit dans son atelier. France a contribué à son épanouissement artistique et technique. Elle l’a poussée à réfléchir davantage et lui a démontré, aux dépens du travail et du temps, que rien n’est impossible. France est une précieuse amie, mentore et collègue. 

Quant aux femmes des Cercles de Fermières, elles l’ont accueillie à bras ouverts pour lui offrir leur savoir-faire, leurs valeurs et leurs passions. Ce milieu lui a permis de s’épanouir. Pour elle, il est essentiel d’avoir cet organisme au Québec, car il permet la rencontre de différentes générations. Elles sont extrêmement importantes, car elles transportent et transmettent notre patrimoine.

Entrepreneur«e»

Pour Marilyn, être entrepreneure, ce n’est pas toujours facile, mais être une femme entrepreneure, c’est probablement plus difficile. Ça s’explique mal, mais elle le sent, c’est tout. Dans certaines situations, elle sait qu’un homme ne serait jamais fait remettre en question comme elle. Même qu’on ne se serait pas posé la question si elle avait été un homme. Malgré cela, elle est parvenue à faire son chemin. Comme beaucoup d’entrepreneurs, Marilyn avait beaucoup d’idées pour démarrer son entreprise. Ce qui a été le plus ardu était sans doute la mise en place pour y arriver. Heureusement, elle a pu compter sur l’aide de sa MRC pour le développement de son entreprise. Elle a été accompagnée par un « coach », a rédigé son plan d’affaire et a été suivie tout au long du développement de son entreprise.

Elle engage maintenant des employés pour l’aider à suivre la cadence de sa popularité qui ne cesse d’augmenter. Elle qui travaille corps et âme pour son entreprise, elle cumule les succès pour devenir tranquilement la référence québécoise dans le domaine de la courtepointe. 

La confection de la courtepointe

Une courtepointe peut prendre de 10 à 20 heures pour sa confection, tout dépend de son tissu, de son modèle et de sa grosseur. Plusieurs étapes sont à considérer avant d’arriver à ce joli résultat. D’abord, Marilyn fait elle-même tous ses designs, ce qui demande beaucoup de réflexion. Elle en fait ensuite un patron et choisit des tissus (coton, polycoton, laine, coton lin, velours, etc.) recyclés en prenant soin de les faire contraster de manière harmonieuse. Comme Marilyn dirait, l’assemblage est comme un gros puzzle, activité qu’elle adore faire. Après cette étape, elle les lave pour les stabiliser en plus d’en améliorer grandement la qualité. Puis elle en fait la découpe. Toutes les pièces sont uniques, c’est ce qui fait le charme de chaque création. Elle procède ensuite à l’assemblage du dessus et du dessous, installe une bourre bien volumineuse, récupérée d’une usine de la région, et lie les trois épaisseurs ensemble à la surpiqueuse. Finalement, elle coupe les excédents, remet le tout bien droit, pose le biais, nettoie et coud l’étiquette. Chaque pièce est identifiée de son numéro et de son nom bien unique à elle.

Jetée en courtpointe Le point visible
Jetée Le point visible

Le temps

La courtepointe est longue à confectionner puisque l’assemblage se fait avec des morceaux recyclés. Cependant, elle dure tellement plus longtemps. C’est essentiellement ce qui motive Marilyn tous les jours et qui la passionne le plus : prendre des bouts de tissus qui étaient voués à l’enfouissement, les assembler et créer quelque chose qui va durer des générations. C’est ce qui a du sens. À ce jour, l’industrie du textile est le deuxième plus grand pollueur au monde, sans compter l’exploitation humaine derrière celle-ci. Marilyn offre une deuxième vie aux textiles grâce au surcyclage (améliorer le tissu pour le rendre de meilleure qualité, durable ou d’utilité supérieure). C’est ce qui l’a fait triper ! La notion du temps dans la fabrication artisanale n’est pas négative, mais plutôt, elle établit une valeur humaine. Cette notion s’applique également dans l’objet artisanal, car il accompagne des générations, leur transmettant connaissance, savoir-faire et histoire.

Éveil pour les métiers artisanaux

Même son collègue potier Christian Roy le dit, on voit un engouement de plus en plus fort pour les produits artisanaux, mais ça n’a pas été simple de s’y rendre. Selon Marilyn, parmi les explications, il y a la valeur de l’environnement et de la communauté : moins consommer pour mieux consommer. Les objets qu’on se procure doivent également susciter quelque chose. Elle sent cet engouement lorsque les gens l’approchent dans les salons des métiers d’art. La courtepointe leur rappelle d’abord des souvenirs, puis un retour à la campagne, à la terre et à l’autonomie. Bien loin des industries, les produits artisanaux éveillent les sens de la communauté et de la solidarité. Il est d’ailleurs plus souhaité que jamais d’acheter local. Investir dans l’économie locale a un effet positif sur les communautés : apporter de la vie, permettre des embauches, réinvestir dans sa communauté, etc. Les gens s’étonnent aussi qu’on puisse allier modernité et tradition. Le design unique des objets artisanaux pourrait également expliquer de cet engouement.  

Les objets artisanaux ont la particularité de faire ressentir l’âme d’une personne. On adhère à ce travail, parfois imparfait, mais au fond, qui témoigne de toute la valeur humaine. L’aspect brut de ces objets est exaltant. Ça nous ramène aux vrais, à l’essentiel. Toucher les textures, peser le poids et apprécier les marques du travail ne peut que susciter l’émotion. On apprécie ces objets chaque fois qu’on les utilise parce qu’ils ont une valeur. Et ce bonheur qu’ils nous procurent, et bien, il motive Marilyn!

*Cet article n’est pas affilié.